Gomorra
Philippe Lüscher | Le Théâtre en Cavale | Version entière 1H37min
D’après le roman Gomorra de Roberto Saviano, Editions Mondadori
Adaptation théâtrale de Roberto Saviano et Mario Gelardi
Par la Cie X225
Mise en scène Philippe Lüscher
Interprétation Roberto Garieri, Alexandre De Marco, Lionel Brady, Mateo Solari, Christian Gregori, Benjamin Kraatz
Création lumière: Danielle Milovic
Cadreurs: Katia Skila – Rodion Kulikov – Déborah Legivre
Montage : Julien Durlemann
Date: 2011Client: Philippe Lüscher | Le Théâtre en CavaleAvec: Roberto Garieri, Alexandre De Marco, Lionel Brady, Mateo Solari, Christian Gregori, Benjamin KraatzRéalisation: Julien (UBIKprod)Images: Debora, Rodion, Katia, Julien, StephaneMontage: Julien (UBIKprod): Création lumière: Danielle Milovic
____________________________________________________
Gomorra
22 mai 2012
C’est fini. Gomorra s’est jouée pour la dernière fois dimanche 13 mai au soir. Pikachu, KitKat, Don Pasquale et tous les autres sont venus montrer leur réalité d’hommes qui errent dans un univers de sables mouvants pour la dernière fois.
Tirée du livre de Roberto Saviano, Gomorra a oscillé entre dénonciation et exposition d’un monde d’ombre, de silence et de moisissure qui est au diapason de notre société. Avec toute la sobriété et la pertinence dont Philippe Lüscher, le metteur en scène, a su faire preuve. Sa vision de Gomorra aura permis au public de Pitoëff de voir vraiment ce que sont la nature, le quotidien et la réalité des acteurs de cette organisation mafieuse ; c’est-à-dire de ceux qui la font vivre… et prospérer. J’ignore ce qu’il en restera dans le souvenir des spectateurs d’ici une semaine, d’ici un mois, d’ici un an. Mais il suffit qu’une seule personne se souvienne, et plus que se souvenir, s’interroge, et plus que s’interroger, s’indigne, vraiment, profondément, pour que ce travail justifie, s’il le fallait encore, son utilité publique et citoyenne. Car si l’on peut aisément admettre n’être pas coupable de ce qu’on ne sait pas, l’on est coupable et, ô combien, de se taire lorsque l’on sait. Bien sûr que cela implique du courage, du danger et de l’incertitude. Et peut-être parfois de risquer sa tranquillité, sa sécurité et sa vie. Et quoi de plus naturel, lorsque la peur est là, de fermer ses yeux, de barricader ses oreilles et de sceller ses lèvres ? Mais tôt ou tard, toujours, tout devient assourdissant, évident, aveuglant. Finalement, la seule question à se poser est de savoir jusqu’où je suis d’accord de me laisser opprimer, jusqu’à combien de victimes je suis d’accord de tolérer, jusqu’à quelles parcelles de liberté je suis d’accord de renoncer.
On nous demandera sans doute, avec une légère plissure des lèvres, si cela aura servi à quelque chose, si les méchants auront seulement été inquiétés et si cette organisation aura seulement été bousculée. La réponse est non. Evidemment non. Du moins, elle n’en a rien laissé paraître. Mais comme disait Saviano :
« Raccontare come stanno le cose vuol dire non subirle. »
Voilà. Juste ça. Ne plus subir. Dire non. Et il ne fait aucun doute que mon non ajouté à d’autres non, à l’image d’une goutte d’eau ajoutée à d’autres gouttes d’eau, donnera naissance à un ruisseau appelé à devenir rivière, fleuve, raz-de-marée. A nous de savoir.
Mais nous n’en sommes pas encore là.
Malheureusement. Un jour. Peut-être. Gardons espoir. Après tout, nous sommes au théâtre, le seul endroit où les victimes viennent rire avec les bourreaux et le seul endroit où les morts se relèvent quand la pièce est finie. Puisse cette réalité du monde ne plus exister pour nos descendants et devenir à jamais une simple fiction, juste bonne à se rappeler que leurs ancêtres étaient bien étranges…
Comments are closed.